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Antipodes

Ils sont deux. Le blond et le brun. L’un est plus affable, l’autre plus observateur. Il semble se compléter. Et c’est le cas. Leur amitié les a menés jusqu’à ce bout de trottoir du quartier Saint Cyprien; mais avant d’en arriver là, à les voir comme ça, en tablier derrière leur comptoir, vous n’imaginez pas les trésors d’aventures, de voyages et d’expériences, que ces deux-là cumulent.

Une amitié sans frontière

Ils servent du tataki de bœuf ou des nems de canard et leur particularité, c’est que ces mélanges issus des cuisines du monde entier ils les ont vraiment expérimentés. Ces deux hommes, la trentaine forte et épanouie aujourd’hui, ont parcouru le monde, chacun à leur façon, avant de se retrouver dans cette petite cuisine à faire du tataki. Ils l’ont rêvé sur les trottoirs de Sydney et dans les cales en pleine Caraïbes, leur petit resto, avec ses tables en bois sur mesure, pensées dans leur têtes et fabriquées de leurs mains.
Il faut dire que leur amitié n’avait pas de frontière. Ils se sont rencontrés sur les bancs de l’école hôtelière. Ils n’avaient pourtant rien à voir. Jérémy, plutôt hâbleur, et Aurélien, plutôt réservé. Mais ils se sont trouvés et ce fût presque comme une évidence entre eux. Ils sont devenus potes, et très vite, amis. Rêvant de monter leur projet ensemble, de l’avoir leur fameuse cuisine, et de faire leurs menus à eux comme les grands chefs qui leur ont tant appris.
Après avoir bien vadrouillés, sans jamais vraiment se perdre de vue mais en restant bien souvent aux antipodes l’un de l’autre, ils ont fini par se retrouver. Ça a été compliqué. Entre le moment où ils ont tout lâché pour créer leur affaire, et le moment où ils l’ont créé, il s’est passé plus de 3 ans. De galère administratives, en démarches qui n’aboutissent pas, le projet a bien failli ne pas voir le jour. Ils y ont laissé des plumes et toutes leurs économies. Mais c’était sans compter sur leur énergie, et leur opiniâtreté, aussi flamboyantes que leurs parcours respectifs.

Des palaces de France aux cuisines australiennes

Des parcours dont on se demande encore s’ils en mesurent l’originalité.
Jérémy d’abord. Avant dernier d’une fratrie de huit enfants -déjà, ce n’est pas commun ! – il est entré dans ce milieu presque par hasard. Reconnaissant, même, qu’il n’avait jamais rêvé d’être cuisinier avant de se lancer dans la filière à l’âge de 15 ans. « Pour faire plaisir à ma mère peut-être », lâche-t-il. « Elle voulait un fils cuisinier, elle l’avait toujours dit, jusque là je n’y avais pas pensé, mais pourquoi pas ». Ce qu’il ne savait pas, c’est qu’il avait du talent. « Résultat, une fois que j’ai mis les pieds dans cette formation, en réalité, ma mère ne m’a jamais plus revue » dit-il en riant.
Jérémy aurait pu faire un parcours général classique, il choisit donc de se lancer dans la restauration. Et ça va lui réussir. Il fait l’école hôtelière, obtient le bac Hôtellerie et le Bac Pro Cuisine, mention pâtissier (en témoigne les bons desserts à déguster aux Antipodes), et c’est lors de son deuxième stage que les choses sérieuses commencent. Quatre mois d’alternance chez Philippe Etchebest, à Saint Emilion. Un stage à l’Hôtel du Palais de Biarritz, auprès d’un chef étoilé. Deux expériences fondatrices. Il y découvre la rigueur, mais aussi le plaisir. La dureté du métier tout autant qu’une ambiance extraordinaire au sein des équipes.
La passion était née. Il se lance, travaille d’abord à l’Abbaye des Beaux, une grande maison des Yvelines ; et au moment où il veut changer, s’en ouvre à ses chefs. Lesquels le portent vers un avenir encore plus brillant. Ses chefs roulent toute la nuit pour l’amener à Monaco. Dans une autre grande maison. Il ne les remerciera jamais assez. C’était devenu sa famille, et à chaque fois, Jérémy sera ainsi recommandé dès qu’il aura envie de changer. C’est également de cette façon que d’un établissement haut de gamme du Rocher, il reviendra ensuite à Paris. Et pas n’importe où. Au restaurant de la Tour Eiffel, rien que ça ; chez Monsieur Alain Duccasse, où il va encore plus saisir la rigueur et la dureté du métier. Et où il va encore énormément progresser. Mais à 25 ans, lui prend l’envie de voir autre chose. L’Australie, il le sait, tend les bras aux cuisiniers français autonomes et talentueux. Il décide tenter sa chance.
Il lui en a fallu de l’audace et de la persévérance pour gagner la reconnaissance de ses pairs dans l’hémisphère sud. « Au départ je n’alignais pas deux mots d’anglais, et je ne comprenais pas ce qu’on me demandait ». Quelques mois plus tard il se voyait confier la responsabilité de l’ouverture d’un restaurant à Brisbane. Jérémy avait gagné la confiance des autres, mais aussi la confiance en lui. C’est ce qui allait se révéler le plus précieux au moment de faire le choix de rentrer. Pour la famille, pour les proches, pour sa copine de l’époque. Un choix qu’il décide de faire avec son ami, Aurélien. Un choix difficile à assumer parfois, après avoir travaillé pour les plus grands. Mais un choix qu’il ne regrette pas lorsqu’il observe aujourd’hui, les sourires de ses clients à Saint Cyprien.

Cinq ans en mer, et en cuisine !

Ça peut sembler antinomique, mais Aurélien a bien passé cinq ans en mer, et en cuisine. Après son BTS Hôtellerie restauration, lui, il a décidé d’y aller directement, tenter sa chance en Australie.
Il y est resté un an. A réussi à y travailler, mais avait envie de rentrer une fois l’année écoulée. De mettre fin à l’éloignement des proches, de se recentrer un peu sur sa famille. Ça n’a pas duré longtemps, un an après son retour, il repartait. En mer cette fois, sur des bateaux de croisière de luxe.
Agé d’une vingtaine d’années, il fait son premier essai à Marseille, est recruté et commence en bas de l’échelle. Arrivé en tant que commis, il lui faudra plusieurs mois avant de faire ses preuves. Il finira rapidement chef, au sein du restaurant gastronomique français du navire, et chef respecté.
Cinq en mer c’est long. Pour Aurélien cette expérience aura également marqué le début d’une belle histoire d’amour. Sa femme, originaire de Biélorussie, il l’a rencontré en mer. Et c’est peut-être là qu’ils ont vécu ensemble leurs plus belles années. S’organisant à chaque fois pour être sur le même bateau, pour s’arrêter ensemble dans les ports, voir du pays et découvrir le monde en travaillant, tous les deux. L’Europe du Nord, l’Ile de Pâques, les Caraïbes… Aurélien a encore des étoiles dans les yeux quand ils racontent ses petits périples entre deux services.
Et l’envie, un jour de poser le pied définitivement sur la terre ferme. De ne plus passer son temps en mer a et aux quatre coins du monde. II décide de rentrer. Fait un beau mariage et relève le défi de se lancer dans l’aventure toulousaine. Là où tout avait commencé, au lycée hôtelier avec Jérémy. Et bien avant même, du côté d’Aurignac, où il a sa famille. Un retour au pays de son enfance agrémenté de toutes ses expériences vécues, de tous ces ports où il a été accueilli, de toutes ses capitales qu’il a traversées, de toutes les heures en cuisine qu’il a passé ; et un retour partagé avec son meilleur ami. Autant dire un retour savoureux, et gagnant, parce qu’il a le goût de l’amitié, qu’il est plein de souvenirs et d’influences, et qu’il s’ancre dans le présent, et dans vos assiettes.

Restaurant Antipodes

Restaurant Antipodes

Photo by Studio le Carré
Texte : Milia Legasa

Comment s'y rendre ?

Adresse

9, rue du Pont Saint Pierre, 31300 TOULOUSE

Métro

🅰️Saint-Cyprien – République

Horaires

Lundi Fermé
Mardi 12h00 – 14h00 19h30-22h
Mercredi 12h00 – 14h00 19h30-22h
Jeudi 12h00 – 14h00 19h30-22h
Vendredi 12h00 – 14h00 19h30-22h
Samedi 12h00 – 14h00 19h30-22h
Dimanche Fermé

Contact

Tél : 05 32 02 24 92

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